À la fin du 19e siècle (1885), les grandes puissances européennes ne s'entendaient pas. Entre les années 1870 et le début du 20e siècle, la "course au partage de l'Afrique" a vu les Européens envahir et coloniser presque tout le continent. Malgré leur méfiance et divergences, ce "partage" s'est fait de façon relativement ordonnée, grâce aux accords de la conférence de Berlin de 1884-1885. Mais qu'aurait-il pu se passer si cette ruée vers l'Afrique n'avait jamais eu lieu et comment cela affecterait-il la situation actuelle du Kenya ?
Les richesses naturelles de l'Afrique sont telles qu'il est difficile d'imaginer que les Européens n'aient pas tenté de la coloniser à un moment ou à un autre. Une course au partage plus tardive aurait probablement eu lieu. La pression pour exploiter l'Afrique venait aussi d'entrepreneurs, d'entreprises ambitieuses et même de l'opinion publique européenne. L'ivoire des éléphants du Kenya, par exemple, était très demandé par les Européens dans le 19eme siècle.
Certainement, si le partage n'avait pas eu lieu à ce moment-là, les conséquences sur le monde auraient pu être graves. L'histoire serait différente. Sans une colonisation massive les occupant, les puissances européennes se seraient peut-être encore plus affrontées. La Première Guerre mondiale aurait pu éclater plus tôt.
Le Commonwealth et l'omniprésence de l'anglais n'existeraient pas. Sans l'imposition de l'anglais, une symphonie de langues indigènes remplirait les ondes kényanes. Le swahili, le kikuyu, le kikamba, le luo et d'autres auraient pu évoluer librement, façonnant des identités culturelles uniques, distinctes de la sphère anglophone. Le décès de la reine ne résonne pas dans les plaines kényanes, et les Jeux du Commonwealth seraient un vestige d'une autre réalité. De nouvelles langues seraient toutefois apparues grâce au commerce et à l'évolution du pays.
Au Kenya, certaines communautés avaient des chefs, mais la plupart vivaient dans un système égalitaire. Les colons britanniques ont introduit un système hiérarchique, d'où l'émergence de dirigeants égoïstes qui ont tout accaparé, creusant des fossés entre les gens. Le plus grand bidonville du Kenya, conséquence de ce système de classes désormais ancré dans la culture, en est un triste témoignage.
Beaucoup de personnes nées aujourd'hui ne seraient pas là, comme moi, car nous avons dû bousculer les normes pour changer la façon dont les gens se marient et se déplacent. Les déplacer d'est en ouest, du nord au sud et vice-versa. Ainsi, la surpopulation ne serait pas une cause du changement climatique.
Cette réflexion ne concerne pas seulement le Kenya, mais tout un continent libéré de l'emprise des puissances européennes. Elle nous pousse à nous confronter aux "et si" de l'histoire, nous invitant à réfléchir aux choix que nous faisons aujourd'hui et aux futurs que nous voulons construire. En comprenant la complexité des chemins alternatifs, nous apprécions mieux le présent, ses défis et ses possibilités. Allons de l'avant, mais n'oublions pas les effets de la colonisation (diviser les groupes et les communautés), en particulier à l'échelle mondiale, où les Occidentaux ont choisi de lire et d'écouter l'histoire édulcorée, ignorant tous les bénéfices dont ils profitent encore aujourd'hui.